"En marche" mais pas à vélo

Instaurée en février 2017, la prime de 200 € pour l'achat d'un vélo à assistance électrique disparaîtra dans 4 mois. Signe que le vélo n’a plus la cote ? Ou que le lobbying des fabricants de voitures a eu raison de la raison écologique-économique ?

Article mis en ligne le 29/09/2017

Invité de RTL, ce jeudi 28 septembre, Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, aurait annoncé que l’État ne prolongerait pas le bonus de 200 € après le 31 janvier 2018.

Nous avons considéré que ce n’était pas à l’État de continuer à subventionner le vélo électrique…

Mais comment font-ils leur compte ces hauts fonctionnaires ?  Un vélo électrique vendu 2 000 € rapporte 400 € de TVA à l’État, moins 200 € de bonus, cela laisse un bénéfice net de 200 €. Alors ne serait-ce pas plutôt le vélo qui subventionne les dépenses de l’État ?

En outre un utilisateur de vélo électrique qui a abandonné la voiture consomme moins d’essence importée, réduisant le déficit commercial, et il se porte mieux, réduisant le déficit de la sécurité sociale (cf. article « Opec is Bike »). Le gain global pour l’État est donc bien plus important que la simple différence entre TVA et prime de 200 €.

Le succès de la prime

La prime VAE de 200 € vise à inciter les Français à passer à la mobilité verte et représente jusqu’à 20% du coût des bicyclettes à assistance électrique à concurrence de 1 000 €. Si le prix du vélo électrique est inférieur à 1 000 €, la TVA subventionne le système et au-delà d’un prix de vente de 1 000 €, l’État est gagnant.

Les chiffres liés à cette prime étaient pourtant très encourageants… En effet, depuis mars, près de 150 000 demandes ont été enregistrées sur le site de l’ASP (Agence de Services et de Paiement), à un rythme d’environ 20 000 par mois, alors que dans le même temps, seulement 3 000 demandes ont été formulées pour l’achat d’un scooter électrique. Si l’on extrapole ces chiffres, ce seraient 240 000 vélos électriques vendus en 2017, soit une croissance considérable du nombre d’utilisateurs français. On reste bien en dessous des Pays-Bas où un vélo électrique sur trois vendu en 2016 était électrique.

Cette décision reste donc incomprise par le plus grand nombre. Virgile Caillet, directeur général de l’Union Sport et Cycle, présent sur Europe 1 ce matin même, n’a pas attendu une seule seconde pour s’exprimer.

Cette prime était un véritable succès. Elle répond à tout un tas d’engagements politiques pris par le président de la République, notamment en ce qui concerne l’environnement, la mobilité ou les transports. On ne comprend vraiment pas pourquoi cette prime, contrairement aux autres bonus écologiques, serait supprimée.

Le lobby des fabricants de voitures ?

l'etat et le lobbying voiturePour comprendre les raisons qui peuvent conduire à la suppression de la prime, il faut donc aller au-delà d’une logique économique propre au vélo. 

On note par exemple plusieurs mesures récentes qui devraient favoriser les ventes de véhicules motorisés comme :

  1. La prime à la voiture électrique ou au scooter qui sont maintenues lorsque la prime au vélo électrique disparaît.

     

  2. Les voitures durent de plus en plus longtemps et le durcissement du contrôle technique en 2018 va se substituer à l’obsolescence programmée qui fonctionne pour tant d’autres produits mais pas pour la voiture. La prime à la casse 2018 abonde aussi en ce sens.

     

  3. Nicolas Hulot n’est pas en reste lorsqu’il annonce la fin de la vente des voiture diesel et essence, d’ici 2040 ; encourageant ainsi le renouvellement du parc automobile avec exclusivement des voitures électriques.

Il est donc clair que le nouveau gouvernement est en marche en voiture ou en scooter mais pas à vélo. L’interventionnisme de l’État français sur le marché de la voiture ne date malheureusement pas d’hier et ce n’est pas le réchauffement climatique qui y changera grand chose si l’on se réfère aux décisions récentes. Espérons que les villes qui subventionnent le vélo électrique maintiendront le cap en 2018 et ne quitteront pas le navire de l’écologie.


Le vélo déchaîné.

Les vertus de la prime vélo selon les cyclistes

La FUB (Fédération des Usagers de la Bicyclette) vient de publier un argumentaire pour le maintien de la prime pour les VAE que nous reproduisons ici.

Sept raisons de maintenir le bonus pour les vélos à assistance électrique (VAE)

Le VAE, de loin le véhicule électrique le plus répandu en France, constitue une réponse efficace à de nombreux besoins de mobilité des Françaises et des Français. On sous-estime trop souvent l’importance de la marche et du vélo pour la santé et l’égalité d’accès aux services. Le VAE permet de conjuguer les efforts en matière de transition écologique, de santé et d’économie, de mobilité, et cela à un coût maîtrisé.

1- Le VAE est un levier de la transition vers une mobilité soutenable

L’électro-mobilité est une des clés de la transition vers la mobilité propre pour la France telle que définie dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et la Programmation pluriannuelle de l’Energie (PPE) et notamment son annexe sur la Stratégie de Développement de la Mobilité Propre (SDMP), mais également dans le cadre des politiques européennes. La Stratégie nationale de mobilité propre fixe en effet à 12,5% la part du vélo à horizon 2028.
Le VAE est un des modes de transport qui détient un important potentiel de report modal et qui donc peut jouer en faveur de l’atteinte de cet objectif. Les reports modaux observés actuellement sont très positifs, puisqu’une majorité des nouveaux utilisateurs de VAE viennent de la voiture conduite en solo. L’électro mobilité peut offrir une gamme diversifiée de modes de déplacements, des vélos jusqu’aux voitures, en passant par les triporteurs. Et de fait, répondre à des besoins de mobilité nouveaux, hétérogènes, de la part de populations qui ont un accès limité ou décroissant à la mobilité, telles que les personnes isolées ou âgées.
Le VAE est le premier vecteur d’accès à électro-mobilité, par son moindre coût et sa facilité d’usage. Il ne faut donc pas le considérer en termes de mobilité comme un objet de loisirs, en comparaison avec des véhicules particuliers. Mais bien comme un mode de déplacement à part entière, précurseur d’une nouvelle ère de la mobilité, plus légère, mieux adaptée aux besoins réels des personnes.

2 – La santé (Qualité air et exercice physique)

Or, le VAE est le premier vecteur d’accès à électromobilité, et le seul entrant dans le domaine des mobilités actives : permettant de se déplacer proprement, tout en agissant pour sa santé physique et mentale. Le VAE rassure les personnes qui n’osent pas passer au vélo, tout en gardant les mêmes bénéfices de santé, comme le confirme de nombreuses études et les dire des cardiologues. Les ALD (affection longue durée : obésité, diabète, etc) coûtent environ 40 milliards d’euros par an, et le fait d’avoir une activité physique est le mode de prévention qui a le meilleur rapport coût/efficacité dans ce domaine.
Paradoxalement il est parfois meilleur pour la santé que le vélo classique, car il permet une activité physique modérée, plus longue et sans hyperventilation).  Il permet le transport de charges et de personnes, notamment d’enfants dans le cadre des déplacements domicile-école ou encore pour les activités extrascolaires. Et cela donne le goût du vélo aux plus jeunes, ce qui est loin d’être anecdotique, en regard du peu d’activité des 11-14 ans en France en comparaison avec les autres jeunes européens.
Pour rappel l’OMS recommande 60 minutes d’activité par jour par enfant (et 30 minutes pour les adultes). La sédentarité est en passe de tuer davantage de gens que le tabac. Par contre une heure d’activité physique par jour permet de contrer les méfaits de 8 heures de travail de bureau.
Une grande partie des bénéficiaires de l’aide VAE sont des retraités, ce qui n’est pas un échec : c’est précisément cette tranche d’âge qui est le plus touché par la sédentarité, avec les jeunes !

3- Innovations et emploi local en France

Le vélo représente, au niveau mondial un immense marché de 267 milliards d’euros, en pleine croissance. La France a vu naître le vélo moderne il y a 150 ans, et à la fin du XIX siècle. Sur l’énorme marché mondial, trois composantes : loisir, sport et mobilité. La mobilité est encore minoritaire, mais elle a la part qui est en plus grande croissance. Au sein de cette « mobilité à vélo », le VAE est en pleine « explosion ».
Or, il y a un double retard français : taux d’équipement des ménages d’une part et la production « made in France » d’autre part. Si la barre des 100 000 ventes a été franchie en 2015, c’est à peine 20% de ce qui était vendu en Allemagne la même année (535 000 unités vendue en 2015!). Le VAE est désormais en plein boom en France, grâce à l’introduction du bonus. Mais si la progression est impressionnante en pourcentage, le taux d’équipement reporté à 1000 habitants reste très inférieur à ce qui est se rencontre en Allemagne, aux PaysBas ou encore en Belgique.
Côté entrepreneurial et industriel, le retard industriel risque d’être fatal, car il y a eu récemment une véritable rupture technologique et de comportement des acheteurs, et sans soutien incitatif à la montée en gamme, les Français se tourneront vers de l’entrée de gamme
issue principalement de l’importation.
En 2015, 100 000 VAE ont été importés et seuls 25 000 exportés, soit une balance commerciale largement négative, alors que la France dispose pourtant des moyens intellectuels et industriels pour inverser rapidement cette tendance. Il y a eu des efforts de relocalisation, mais pour que ce pari fonctionne, les entrepreneurs ont besoin que les français comblent le retard en termes d’équipement en achetant des VAE « français », qui sont de bonne qualité, mais un peu plus onéreux que ceux d’importation.
Nous pouvons citer l’exemple de la relocalisation à Machecoul, en Loire Atlantique, avec 12 000 VAE produits en 2015, qui pourraient facilement atteindre 50 000 qui seraient destiné autant à l’export qu’au marché français.
Le maintien du bonus est une condition sine qua non du succès de cette relocalisation ! Sans ce soutien volontariste, la filière ne pourra pas autant investir et conquérir les marchés des pays voisins.

4- La mobilité des professionnels

Les VAE permettent à de nombreux français de se lancer dans une démarche d’entreprise comme le prouve le collectif « Les Boîtes à vélo » à Nantes : plombier à vélo, déménageur à vélo, logistique du dernier kilomètre. Tout ceci permet une ville apaisée, libérée des véhicules à grand gabarit, tout en créant davantage d’emploi que la logistique typique de la fin du vingtième siècle.
Ces VAE professionnels (dites vélo-cargo) remplacent le plus souvent des camionnettes diesel, mais sont très onéreux (5 – 10 000 euros avec leur aménagement). Il faudrait donc un bonus bien supérieur à l’actuel, à l’instar de ce que propose la Suède (25% de bonus
avec un plafond d’aide de 1000€)

5- L’accès à la mobilité pour tous

Le VAE permet d’allonger les distances parcourues par rapport à un vélo classique, de gommer les dénivelées, et il est adapté à des besoins de déplacements y compris dans les territoires périurbains et ruraux, permet de dépasser certains obstacles à la mobilité des personnes. Au-delà du prix d’achat, c’est un mode déplacement peu coûteux à l’usage et il est accessible à tous sans permis de conduire.
La prise en compte des risques sociaux est indispensable pour atteindre les objectifs de la transition écologique. Les véhicules « propres » éligibles au bonus à l’achat ne sont pas accessibles à tous. Or, les restrictions de circulation en ville par exemple peuvent limiter la capacité d’un nombre croissant de personnes à accéder au centre-ville, accélérant une dynamique de précarisation dont le constat est de plus en plus partagé. La prise en compte des risques sociaux est indispensable pour atteindre les objectifs de la transition écologique.
C’est pourquoi les voitures électriques et les scooters électriques ne peuvent pas être les seuls moyens de déplacement qui permettent une mobilité propre. Le budget national doit permettre de soutenir une transition équitable soutenue concrètement par un
financement national.

6 – La revitalisation des villes et des commerces

Nos villes moyennes sont en recherche de dynamisation commerciale, la marche et le vélo permettent de faire reculer les déserts commerciaux. En zone moins dense, le VAE est donc naturellement une des armes contre la fermeture des commerces de proximités, qui signent souvent l’arrêt de mort de nos villages.
Le rapport du think tank THE SHIFT sur la décarbonation de la mobilité dans les zones moyennement denses indique que la solution VAE est de loin la plus efficace (potentiel de réduction des émissions globales des GES de plus de 30%), notamment par rapport au télétravail qui a des effets pervers (incite à s’installer plus loin du lieu de travail).

7 – Un investissement nécessaire et efficace pour les finances publiques

Il existe quelques collectivités qui soutiennent l’achat des VAE, mais les externalités sont surtout des retombées pour les finances « centrales » notamment de la sécurité sociale. Ainsi, instaurer une aide type éco-bonus est également une question d’équité entre territoire (les aides existantes ne concernent qu’une minorité des territoires et sont non cumulables avec l’aide nationale). Le coût d’un VAE peut sembler faible, mais il reste une barrière pour un certain nombre de publics, y compris dans les classes moyennes. On peut également
imaginer des dispositifs type PTZ ou LLD pour les publics plus fragiles, à accompagner également de mesures types ‘stationnement sécurisé ». Le montant du bonus pourrait être variable en fonction des revenus (imposable / non imposable). »